05/08/2011

À bras le corps


C'est l'inventeur de la Ford, me semble-t-il, qui disait : "Nombreuses sont les personnes qui passent le plus clair de leur temps à tourner en rond autour de leurs problèmes plutôt qu'à s'y confronter pour tenter d'y apporter une solution !"


Le réel tel qu'en lui-même


Se coltiner le réel pour tout grand rêveur qui se respecte n'est bien évidemment pas chose évidente. J'ai pourtant très tôt su que se murer dans son for intérieur n'était pas le chemin qui menait au bonheur, à la réalisation de soi. Il faut dire que j'ai très tôt été arraché au monde du rêve, le cocon familial. Fini donc, le chant de la pluie sur la tôle ondulée de la toiture de la maison parentale. Là une armée de frontières invisibles mais bel et bien réels se sont abattus sur la part pragmatique de ma personne. L'exil fut vécu comme une cause purement mentale. Et c'est tout naturellement par le mental que j'ai alors entrepris de surmonter cette douleur. Pas moyen d'avoir prise sur le réel. Mon corps semblait vivre indépendamment de mon esprit, quant à ce dernier, il traitait mon corps en parfait étranger. Deux entités séparées, voilà ce que j'étais devenu. Corps sans esprit, esprit sans corps, bref, aucun esprit de corps ne m'animait en somme. Éparpillé, voilà ce que j'étais. Ma distance d'avec le réel était réelle, elle m'était, entre autres choses, de fait imposée par les règlementations diverses et variées qui régissent toutes sociétés démocratiques qui se respectent. Je n'y voyais aucun inconvénient, étant donné que j'avais un sens très aigu du respect des règles et des codes parce que sensé être les garantes de la bonne marche de la société et donc du bien commun. Ce qui me vexa le plus et causa en moi le plus de frustration est la foi quelque peu naïve ou enfantine, du à mon jeune âge que j'avais en l'humanité. Pour moi il suffisait de respecter les règles, de suivre le droit chemin, de filer droit en somme et tout se passerait bien. Le voyage qui devait me conduire du monde de l'enfance vers l'âge adulte serait, pensais-je, agissant de la sorte, sans anicroche. Mais, et c'est là que le bas blesse : plus je me tenais tranquille, plus je tentais de me soustraire à tout esprit de révolte et de rébellion, plus je tenais ou tentais de me faire oublier, plus l'on me cherchait des noises. Toute mon énergie qui devait originellement être tournée vers l'extérieur et m'aider à me construire en tant que citoyen, était mis au service du respect de la règlementation. Je veux dire que je dépensais une énergie folle pour rester dans les clous et ne pas déborder d'un seul poil, tant je pouvais sentir en moi bouillir la marmite de l'insoumission, de la rébellion. Certes, j'agissais en bon citoyen puisque j'oeuvrais à ma propre construction, en tout cas à la construction, la mise en place d'une certaine conception de la citoyenneté : l'honnêteté. Or, à l'inverse de mes espérances, mon comportement ne faisait que m'attirer des ennuis. Par conséquent, aucune contestation ne pipait de ma bouche. Le silence était devenu ma seule réponse à toute provocation et quand il m'arrivait de m'exprimer cela se traduisait par des borborygmes. Je devais apprendre à parler avant que de ne vouloir prendre la parole. Le langage étant un élément primordial dans la construction de tout individu qui veut comme moi que sa voix compte dans le morne paysage qui nous entour. Éviter les entourloupes. Le respect des règles, m'apparaissaient inconsciemment comme seule garante de l'unité de mes deux entités séparés, à savoir le corps et l'esprit, seul ce respect me fournissait un semblant d'esprit de corps. En choisissant, le vaste champ du langage comme lieu d'apprentissage du respect des règles, j'espérais être fin prêt à tout éventualité, au moment ou ce monde qui marche à l'envers se dérèglera. En réalité il était déjà déréglé, il déraillait à plein tube, mais je ne le savais pas, puisque j'y débarquait fraichement du haut de mes dix ans, j'étais par conséquent prompt à la médisance, aussi je me suis tu et j'ai repris les gammes de la locution. Ce n'est que plus tard, bien plus tard, quand je me suis enfin retrouvé, face à l'individu à la construction duquel j'avais oeuvré que je compris que contrairement à ce que je croyais, ma construction individuelle ne se faisait pas indépendamment du groupe, mais bien au contraire, elle s'inscrivait dans cette volonté de participé du tout, de la société et que par conséquent il n'y avait pas de contradiction, ni d'incompatibilité entre mes propres aspirations et l'idée que je me faisais de ce que devait être un citoyen. Seulement, ma construction citoyenne était contrarié par des logiques administratives perverses puisque dans le même temps qu'elle me désignait la porte de sortie m'ordonnant de la sorte de partir, me demandait de ne pas faire un seul geste. Pour faire plus clair, disons que je vivais la tragédie de ce chien mythique que ses maîtres avaient affublé du nom de "Fout-le-Camp" et qu'ils ont rendu cinglé, en lui demandant de s'approcher pour manger son repas. Vous voyez la scène, j'imagine ? Non ? Alors la voici en quelques lignes de dialogues.

Les maîtres : "Ah, quel gentil chien celui-là... mais il serait bon maintenant qu'il arrête de courir en tout sens et vienne prendre son repas !".

Le chien joue au loin et s'éloigne de plus en plus en courant. C'est un chien qui aime les grands espaces. Ce qui pour ses maîtres est pure folie. Voyons, le lointain, l'horizon... qui aurait idée de vouloir s'y aventurer bien que de toute évidence sa nature l'y convie? Il est bien connu qu'il ne faut point obéir à sa nature, à son tempérament mais le mépriser, seul moyen d'obtenir un bon dressage en règle.

Le chien : " Ouaf, ouaf..."
Les maîtres : "Fout-le-Camp, vient ici !... Fout-le-Camp, vient ici !!! que je te dis ! Nom d'un chien !"

Le chien, perdu, ne sait plus s'il doit fiche le camp ou obéir à ses maîtres, et donc tel l'âne Buridan, ne sachant comment réagir - boire ou manger - sombre dans la folie, écartelé qu'il est entre le flux et le reflux. Le fuir par le refus. Rester par et pour l'obéissance à un ordre auquel il ne peut en tout bon sens répondre parce que contradictoire ou alors prendre la poudre d'escampette ?

Si vous cherchez une réponse à cette question, dites vous qu'elle se trouve dans la question ;).

Conclusion de cette fable quelque peu moraliste : le citoyen, c'est celui qui prend son parti, à savoir celui de sa santé mentale !

À bon entendeur... Moi... je fiche le camp ! ;)

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