19/01/2012

Un hiver infernal


Selon moi toute vie qui commence au Paradis fini au Paradis, à moins qu’au cours de sa vie passée sur terre l’individu ne prenne des vessies pour des lanternes.



D’ailleurs tout se trouve là. Dans cette capacité que l’individu a de savoir faire la distinction entre ce qui lui est nuisible et ce qui ne lui est pas favorable. Le vrai, le faux. Ah, éternel dilemme !

Le juste milieu

La difficulté majeure tient dans le fait que tout excès nuit (du verbe nuire, pas l’inverse qui se produit au moment ou le jour passe au lendemain). Il y a un juste milieu à trouver.

C’est d’ailleurs, ce à quoi nous convie cette formule d’amateur de boissons alcoolisées, qui résonne à mes oreilles telles ces sagesses populaires dont le chemin de nos existences est parsemé : « Ce n’est point de boire assez que de boire de trop ». Seulement nous n’entendons pas toujours les choses de la bonne oreille, tout comme nous ne voyons parfois pas ces panneaux situés non loin des zones à risque « Attention à la marche ». Et hop, voilà l’individu par terre.

Le temps qu’il ne lise l’information et qu’il ne la comprenne, qu’il n'en saisisse le sens, il avance et la marche, elle, reste bien à la place indiquée. Il ne suffit pas toujours de voir une information pour s’en sortir indemne. Il faut encore que celle-ci soit donnée au bon moment. Qu’elle soit - en ce qui concerne les civilisations dites de l’écrit - placée au bon endroit. Bref, le sens ou plutôt l'entendement ce n'est pas une affaire de savoir mais plutôt de connaissance. Ne voyez surtout pas là un quelconque jugement de valeur. Chacune de ces notions ayant sa raison d'être.

Ah, le sens de l’orientation légendaire de certains.

La capacité des Français à placer les informations là où il ne faut pas au moment où il ne faut surtout pas… Je déconne, je titille, je distille, je perfuse, je ventile, je me disperse.

Orphée, il ne faut pas t’en faire

Je me demande juste si, par moment, ceux dont c’est le métier - tout de même - s’arrête un instant, observent et se déplacent dans les espaces dont ils ont en charge la signalétique.

Orphée aux enfers, ne devait pas se retourner pour regarder Eurydice quand cette dernière a trébuché. Mais il l’a fait, et la possibilité qu’il lui était offerte de pouvoir enfin vivre son amour pour elle lui a été refusé.

On devrait emprisonner sur le champ cet ouvrier de l'enfer qui n'a pas fait son travail, pourtant simple, qui consistait à placer au bon endroit le fameux panneau dans lequel Eurydice, puis à sa suite Orphée, sont tous deux tombés. Et là, ça tombait plutôt mal. (Soyons honnête, dans les faits, c'est le silence d'Eurydice qui aurait conduit Orphée à se retourner. Ah, le silence de l'être aimé, quel enfer ! )

Bref, je m'éternise dans cet endroit infernal et ça commence à sentir le cramé. Courage fuyons !

L’enfer, c’est quoi au juste ? Un environnement ? un contact rompu sans explication, sans justification, sans raison apparente, mais peut-être profonde mais de nous seul ignoré? L'ignorance? Le mépris de soi au détriment des autres ? Celui des autres ? Le doute, l'absence, les règles à suivre ? Les autres ? Soi-même ? L’échec ? Ou l’impossibilité de réaliser un souhait? L’incapacité à se réaliser ? L'impossibilité que l'on éprouve à réussir à mener la vie qu’on avait rêvée pour soi et pour les siens ? Soit !


Ah, ah, ah, le triple A et la belle affaire

Si tel est le cas, nombreux sont ceux qui vivent un enfer sur terre. Pourtant, aujourd’hui tout concours à nous pousser à ne surtout pas choisir. Les infos hurlent à nos oreilles que nous sommes en temps de crise, nous qui avons connus et vécus tant de crises. Ah, ah, ah, le triple A et la belle affaire. À se faire mal au bide oui !

Les visages se crispent et les sourires disparaissent des faces livides apeurés angoissés face à l’avenir. Mais je voudrais juste rappeler dans ces quelques lignes qu’il n’y a là rien de nouveau à l’horizon et que depuis les années 1980, nous vivons en temps de crise. Je n’ai pas, personnellement en tout cas, souvenir d’un moment ou aux informations on nous aurait annoncé sur un ton enjoué : « Youpi le temps des galères est fini ».

Retenez donc ceci une bonne fois pour toute : La vie sur terre est toujours un enfer !

La seule façon de tirer son épingle du jeu est encore de suivre son chemin. L’enfer, c’est l’absence de foi en ce que l’on fait. Parce qu’alors la question qui se pose est : pourquoi le fait-on ? Si cela n’a pas de sens, qu’elle est la raison d’être de cette action que nous exécutons quotidiennement ?

On me répondra : « Il faut bien manger ». « Oui », suis-je bien obligé de reconnaître. Mais une fois qu’on a mangé, que reste-t-il dans l’assiette, à part les arrêtes du poisson que l'on vient d'engloutir ? Que fait-on ?

En général on remet ça, car la peur de ne pas avoir de quoi manger nous remet en quête d’une activité de dépannage. Et petit à petit, l’oiseau ne fait pas son nid, il s’en éloigne, emprunte des chemins de tristesse, fait de justifications qui ne l’excuse pas pour autant quand devant la glace il doit faire face à son juge suprême le plus sévère : sa conscience.

Le piège tient bien souvent dans le fait que pour savoir ce que l'on veut faire il faut bien commencer par faire quelque chose, car s'est en forgeant que ... Voilà, nous voilà donc forgés tout rond. "Un peu de glaise avant la fournaise qui me durcira" Merci Bashung, en effet :

" Je n'étais qu’une ébauche au pied de la falaise

Un extrait de roche sous l’éboulis

Dans ma cité lacustre à broyer des fadaises..."

Je n'entends rien aux dialogues de sourds

C’est trop facile me direz vous. Mais je croyais que rien n’était facile ici bas. « Tu es bien placé », me dis celui-là. Oui mais, ça n’a pas toujours été le cas. D’ailleurs tout est relatif, c’est quoi être bien placé ? Par rapport à qui et à quoi ? Si ça se trouve toute mes paroles ne sont que des mots que je lance en l’air et qui titille quelque part, des consciences endormies, confortablement mal assis et qui dès lors qu’on les titille un peu sentent monter en elle le malaise, le souvenir de choses, de terrains laissés en jachère et sur lesquels ne poussent que ces vilaines plantes que l’on nomme à regret (excusez du peu) : les regrets.

Si j’en ai, des regrets ? Ô que non. Si j’en ai eu ? Ah que oui… Comme bon nombre d’entre nous, je suppose.

J’ai même commencé très tôt à regretter, ce fut sans aucun doute un avantage, car cela m’a vite permis de me rendre compte que les regrets n’étaient en rien productif.

« Non, rien de rien, je ne regrette rien… » Piaffe Edith.

Mais où veut-il en venir ? De digression en digressions, je m’approche de l’objet de cette petite note. Tout ça donc pour vous dire que les temps de crise sont sans aucun doute, ceux durant lesquels il est plus important que jamais d’avoir des objectifs clairs. Savoir ce que l’on veut faire de sa vie, suivre son chemin, essayer de ne pas trop s’en éloigner. Car, sans objectif, le risque c’est de finir par faire n’importe quoi. Et comme le dit l’autre (Rémi Gaillard, je crois) : « À force de faire n’importe quoi, on devient n’importe qui ! ».

Or, dans une existence, devenir soi, c’est quand même pas une mince affaire. Il faut donc la prendre au sérieux. Là est tout le travail. Le devenir soi. « Deviens qui tu es ! » telle est l'injonction du philosophe, Socrate ou Platon ? (Pardon, entre les deux, toujours mon coeur balance. Les spécialistes de la question me feront, je l'espère, l'immense plaisir de me donner la bonne réponse. Si tel n'est pas le cas, je pourrais toujours leur demander à quoi cela peut-il bien leur servir de savoir ce qu'ils croient savoir :) ?).

Tout savoir qui est retenue pour de mauvaises raisons n'est pas connaissance ;). L'oubli a du bon.

Quoi qu'il en soit, si l’individu parvient à cela, je veux dire, s'il parvient à devenir qui il est, c’est déjà un enfer auquel il aura su échapper, et un paradis qu'il saura habiter sinon, tout au plus, dont il se sera au moins rapproché.

L'enfer ce n'est pas tant les autres que le fait de vouloir parler à la place des autres. De se prendre pour qui on est pas en somme. Une seule injonction donc :

Devenez qui vous êtes !


Á bon entendeur

Kind 'A

@crédit photo Julie Abrivard


Remerciements :

Un grand merci à Julie Abrivard qui m'a gentiment prêté l'image ci-dessus qui illustre assez bien selon moi, mon propos ;).

Merci également à Anonyme "A". (elle se reconnaîtra) qui à fait le relais et la relecture et m'a donné son retour sur ce texte... qui a évolué après. Je suis donc seul responsable des erreurs et autres imperfections qui ont pu s'y glisser par la suite.

Bibiliographie :

Sur le mythe d'Orphée : Ovide, Métamorphoses, éditions Actes Sud.

Et pour ceux qui ne veulent rien en savoir si ce n'est le caractère purement informatif : http://fr.wikipedia.org/wiki/Orphee

Musicographie:

Alain Bashung, Malaxe titre n°1 de l'album Fantaisie militaire, 1998, paru chez Barclay.

Editith Piaf, Rien de rien, album Emporté par la foule, 1956_60 (Aux spécialistes de me corriger svp)


02/01/2012

Retour au pays

Et que ceux qui savent partir le fassent moi, je ne sais pas le faire et tant pis. Je me reconnais dans cette incapacité à me mouvoir dans ce sens, ou plutôt de cette manière.

Je préfère rester ici avec moi-même et cette limite... Appelez-la comme vous voulez, incapacité, conservatisme, frilosité, peu m'importe.


Je n'ai rien contre ceux qui partent, tant que cela est de leur propre volonté et qu'ils y trouvent un plaisir particulier qui enrichi leur personne où je ne sais quoi d'autre. Que l'on me laisse à moi aussi la possibilité, le droit de ne pas vouloir suivre le mouvement de cette foule.

J'aime regarder la mer et je pense que je ne m'en lasserais jamais...

Je suis si souvent parti... Alors laisser moi rester, là, a vous regarder partir belle amie et vous autres aventuriers qui rêvez d'ailleurs.

Il faut bien que quelqu'un tranche pour que chacun puisse prendre la part qui lui revient. Je ne sais pas partir, et par dessus tout je ne souhaitais pas partir, alors je suis resté, bien que je sois physiquement parti...

Exilé, tel est le nom dont ils m'ont alors affublé. Je sais quel enseignement j'ai tiré de ce voyage involontaire, il s'exprime ici dans mon refus de vouloir partir. C'est contre ma nature que l'on est allé. Longtemps j'ai été contrarié dans mon mouvement intérieur.

Mais bon, vous trouverez un nombre incroyable d'individus qui vous diront que si je n'avais fait ce voyage en exil, ma réflexion ne serait pas aussi avancé sur la question. Peut-être, peut-être pas.

Laissez moi croire que je peux remettre cette affirmation en question. Je sais qu'on ne refait pas l'histoire, on en tire un enseignement ou non. Disons que j'ai fait ma part.

Tant que je n'avais franchi la limite, tant que je ne m'étais pas retrouvé pris dans la houle, avalé par la foule, puis au final recraché par elle, je demeurais un point en interrogation. "?".

Qu'est-ce donc ? Est-ce, un individu comme les autres ? Un animal peut-être ? À-t-il une âme, ou n'en a-t-il point ?

Tant que je n'étais pas en mouvement je demeurais sujet d'une interrogation, qui n'étais pas mienne en réalité. Je demeurais sous le regard de l'oeil qui scrute, qui s'interroge plus sur lui-même en réalité que sur ce qui se trouve face à lui. Car pour moi, les yeux des miens ne me renvoyait qu'une réponse, j'étais digne d'être aimé, j'avais une valeur, il fallait juste que j'exploite mon potentiel.

Dès l'instant où je me suis mis en mouvement, j'ai tenté d'échapper aux regards ou plutôt à la surveillance d'autrui, plus précisément à celle du regard dominateur. Je voulais un regard protecteur pas une surveillance rapprochée. Dès lors, je me suis mis à retourner la question à l'envoyeur.

Et c'est quoi au juste une âme ? Qui a vocation à en définir les contours... ? Et de quel droit, de quel autorité ? Qui a conféré ce pouvoir, qui n'est pas une petite chose, une petite affaire, à ce juge suprême ?

Et l'homme, je veux dire tout homme, n'est-il pas un animal ? Après tout il vit bien dans un environnement, non ? Un environnement qui n'est pas différent de celui dans lequel les autres êtres vivants évoluent par ailleurs. Alors, qu'à-t-il de plus ou de moins ? Et, ce plus ou ce moins, le place-t-il nécessairement dans une posture de domination ?

N'a-t-il pas au contraire vocation, à prendre soin, plus qu'à ne vouloir plier le tout à son plaisir égoïste, ce d'autant plus que l'on sait qu'il y a un ordre naturel et que s'il vient à être troublé cela engendre forcément des troubles qui ont nécessairement des répercutions sur cet être qui se croit au-dessus de tout. Mais pas des soupçons, là dessus, il n'y pas de doute à avoir. La posture ou plutôt l'attitude dominatrice ou la volonté de toute puissance est forcément suspecte.

Que cherche-t-il à cacher, ou à fuir en lui qu'il ne veut voir apparaître dans l'environnement qu'il veut maîtriser au point de le mépriser et de se méprendre sur les autres, qu'il considère comme ses sujets ?
L'individu qui veut tout maîtriser a-t-il des questions à se poser qu'il refuse de se poser ?

Beaucoup d'interrogation, en fait. Et dès lors que l'on prend conscience de cela, on comprend tout le travail que le dominant ne veut pas faire sur lui même. Et dont-il ne peut pourtant se départir, ne serait-ce que pour son bien être personnel.

Nul, n'est le fardeau de personne, nul ne peut être réduit à une dénomination tel que "toute la misère du monde ou une part de celle-ci", et nulle n'a intérêt adopter cette posture par ailleurs. Cela se produit pourtant, car dès lors que l'un prend une posture qui soumet ou est une injonction à l'autre de se soumettre au rôle qu'il lui attribue. Ne serait-ce que pour ne pas en venir immédiatement aux mains, l'autre accepte le rôle que l'on lui attribue, le temps de trouver la parade pour échapper à la domination. Nous interagissons, c'est ainsi et pas autrement. Par conséquent si nous souhaitons établir des rapports ou des échanges équitables, respectueuses de tout un chacun, il nous faut agir en conséquence. À chacun sa croix et à chacun sa route, son chemin. C'est là ce que l'on nomme destin, destinée, destination, etc.

Nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins, nos routes se séparent, mais comme nous vivons ici bas, dans ce monde mondialisé, nos routes se recroiseront forcément. Nous verrons alors si nous avons tiré chacun un enseignement du chemin, du trajet parcouru.

En définitive, c'est Jean-Paul Sartre qui avait raison, on ne devient que dès lors que l'on arrive à composer avec ce que la vie à fait de nous. Ni remords, ni regrets. Juste se contenter d'aller dans le sens d'une amélioration de soi.

Encore faut-il savoir faire la part des choses entre ce qui nous aide à mieux vivre avec les autres et ce qui nous en empêche. Car s'il est courant de dire de l'humanité qu'elle est perfectible, il n'est pas précisé, ou si peu souvent, que cette amélioration peut aussi se faire dans le sens du pire. Ce qui n'est pas petit, comme on dit de là d'où mes parents sont originaires et où je m'en retourne, d'ailleurs.

Je ne saurais dire si je m'y plairais. S'il se trouve, je n'aurais qu'une envie, celle de déguerpir. Car, je ne pense pas que l'on puisse ne pas avoir été changé profondément, altéré, dans le sens où finalement après avoir été quelque part comme le "Moi, laminaire" de Césaire, plante, algue accroché à son rocher, se nourrissant uniquement des sédiments portés par les courants, il n'est pas dit que ce que l'on ingère ne nous ingère pas ou ne nous digère pas en retour...

Si tout est mouvement et plus précisément, aller-retour, cela ne m'étonnerait pas. Rien ne se crée, rien ne se perd, tout se transforme. Et, je suis bien heureux de me savoir transformé, et non perdu. Je ne me préoccupe pas comme d'aucuns de chercher à savoir si cette formule est de Lavoisier ou de quelqu'un d'autre, puisqu'elle m'aide à vivre et que le plus important se trouve là.

Mais dans un monde régit par l'argent, et la "science", il faut citer ses sources, déposer sa marque. Une manière comme une autre de localiser, de situer géographiquement et de déplacer des territoires physiques vers le champ du mental. Poser d'autres limites à la réflexion et donc à la recherche et à l'imagination.

Et là à nouveau on se retrouve face à ce vieux combat dans lequel nombre de nos prédécesseurs se sont engouffrés et sur lequel ils se sont souvent cassés les dents. Tout simplement parce qu'ils ne concevaient pas que l'on puisse concilier science et émotion, raison et imagination.

Les frontières sont minces et poreuses, sinon elles deviennent prisons. C'est cela qu'il importe de savoir ici, aujourd'hui. Je m'en vais donc, je repasse une autre frontière, je passe d'un bord à l'autre.

Et tout ça pour me rendre compte que les influences sont là depuis bien longtemps et que l'un est autre et que l'autre est un. En définitive, nous sommes tous uniques, mais tous semblables dans notre unicité.

Dès lors, l'union et l'unité restent envisageables et peut, voire même, "est", souvent et continue de se réaliser. Puisque tout est mouvement en définitive.


Dagara Dakin, in Retour au pays, page 2, aux éditions Factuel, 2011-2012.

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