15/01/2011

Je m'emporte sur place


22/12/10

Cotonou, à la veille des fêtes de Noël. Tandis que vrombissent les taxis motos, plus connus sous le nom de zémijans, de rares décors lumineux, imitant plantes et fleurs, s'accrochent désespérément aux lampadaires des artères principales de la capitale béninoise. Sur certains étals ou s'exposent marchandises diverses et variées, des figurines du Père Noël flottent au vent. Décor absurde pour un pays, une ville, un continent ou les priorités sont certainement plus ailleurs que dans les réjouissances de ce type. Non pas qu'il faille considérer que les Béninois ou nous autres Africains n'ayons pas droit de faire la fête ou de nous amuser parce que depuis des lustres nos pays sont désignés par des acronymes - qui disent la gabegie, la lenteur du développement, l'incapacité ou le manque total d'imagination de la part de nos politiques - mais juste parce que le viol de nos imaginaires se poursuit sans que, apparemment, nulle ne s'en souci. Noël nous est vendu comme une fête religieuse, mais nous savons qu'il y a belle lurette que de la religion, Noël n'a que faire. Dans cette affaire la nativité - qui rime avec vanité et naïveté - n’est qu’un prétexte. Le père Noël ne descend dans la cheminé que moyennant monnaie sonnante et trébuchante. Pendant ce temps là c'est nous qui trébuchons. Quelques questions se posent et s'imposent donc : devons nous tout récupérer? Ne sommes nous bon que pour la récup' ? N'avons nous pas un peu de fierté et d'imagination? Et si nous ne sommes bon qu'à ça, que faisons nous de ce que nous récupérons? Devons nous éternellement recracher le même, pondre indéfiniment à l'identique, ne rien proposer de nouveau, d'innovant ? Si tel est le cas autant dire que nous voilà réduit à l'état de simples copistes, automates mécaniques, esclave des imaginaires autres. De quoi rêvons nous face au miroir ? Quel visage voulons nous y voir ? Ne pouvons nous pas sur le principe de noël, nous inventer nous même une fête profane avec nos propres figurines de référence ? Ne pouvons nous pas convoquer quelques talents de notre cru pour nous concocter quelques bestiaires originaux ? Cela pourrait faire l'objet d'un concours pour les écoliers. Du genre : « Imaginez, votre Noël africain en faisant preuve d'originalité, en convoquant votre imagination et en laissant au loin, très loin derrière vous le personnage du Père Noël », et, ultime pied de nez, l'auteur du dessin le plus original se verrait offrir un voyage au pays… du Père Noël.

06/01/2011

Propos du politique, n'est pas à proprement parlé politique

Cotonou, le 23/12/2010

Aux actualités, sur l'une des rares radios qui diffusent un programme encore digne de ce nom, j'apprends, d'une que le Cameroun vient de céder quatre-vingt-dix pour cent de ses parts à une compagnie coréenne sur l'exploitation d'une mine diamantifère qui se trouve devinez où... au Cameroun. Cette musique je l'ai déjà entendu et il n'y a rien de plus qui m'énerve que ceux qui essaient de faire passer une vieille rengaine pour une nouveauté de premier choix. Je vois donc rouge à défaut d'en boire, mais je dois me calmer. Et de deux. La nouvelle tombe annonçant que la Côte d'Ivoire se débat toujours avec ses démons. La véritable question à laquelle les Ivoiriens sont invités à trouver une réponse est la suivante : qui de Alassane Ouattara ou de Laurent Gbagbo sera autorisé par la communauté internationale à se moquer de sa population en restant sagement assis sur le siège que lui ont réservé les grands de ce monde que l'on ose encore appeler monde de la politique?

Pas le temps pour eux de prendre une décision. Leur donner le choix ? Mais pourquoi faire ... quand on sait que le peuple n'a plus droit à la parole depuis des lustres? Le choix est fait dans un concert unanime, mais pas par les Ivoiriens, pas par les premiers concernés, premiers consternés. Avec un nom pareil - Ivoiriens - comment voulez vous qu'ils soient capables de discernement... hein? Heureusement que la communauté internationale est là pour les aider à choisir leur poulain en la personne de Alassane Ouattara, mais à quel prix?
Et la CEDEAO, comme un seul homme se lève pour abonder dans le sens de la communauté internationale. Nous voilà sauvés, la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest s'expriment... enfin. Tient, tient… je ne savais pas qu'elle avait voix au chapitre. Pourtant, Blaise Campaoré en tête et en personne, comme qui dirait en chair et en os, avec quelque menu fretin du cru ont des leçons de moral à donner à Gbagbo. Il est balaise, le Blaise. Cela prêterait à rire dans un autre contexte mais, un peuple se meurt. Le sang des Ivoiriens coule déjà et la crainte d'une guerre civile pointe son nez à l'horizon. Laurent Gabgbo n'entend pas laisser le pouvoir, qu'il considère sien et espère bien qu'il le restera, proclame-t-il, par la voix de l'un de ces portes paroles. L'homme est bien silencieux ces derniers temps, il a besoin de porte voix. Je me demande bien derrière qui il se cachera lors de sa prochaine élocution? Personne. Il décide de recevoir des émissaires venus de toutes parts tenter de le ramener à la raison. Il évoque des pressions qui seraient exercées sur les dirigeants africains par la communauté internationale. Quoiqu'il advienne force est de constater que « la valse des gros derrières » [1] se poursuit. Et pour cause, malgré les agitations dernières, qui auraient pu laisser espérer ou croire à un changement d'orientation, la musique internationale demeure la même, le tempo idem, le sens de la mesure du chef d'orchestre - que celui-ci se nomme, Amérique, Chine, Inde, Brésil ou Europe - n'ayant pas fondamentalement varié on ne pouvait donc s'attendre à autre chose.


[1]. Expression que j'emprunte au cinéaste béninois Jean Odoutan, qui par là désigne non sans humour les politiciens ou tout au plus ceux qui se font ainsi appeler.

Le meilleur des mondes ne sollicite pas nécessairement le meilleur des hommes

Cotonou, 23/12/2010

Toujours aux informations, on annonce l'investiture du premier président démocratiquement élu en Guinée Conakry en la personne de Alpha Condé, ce qui me réjouis mais je dois aussitôt remiser mes rêves de démocratie pour le continent quand bien même il nous reste encore à donner notre définition de la démocratie, lorsque apparaît la bouille de Blaise Campaoré sur les écrans de télévisions. Le commentateur annonce le plus sérieusement du monde les chiffres de sa réélection 85,3% des Burkinabé auraient voté pour lui au premier tour. Le décor de la cérémonie est tellement pompeux qu'il semble porter les stigmates de l'illégitimité de cette réélection. Un peu comme si conscient de cette farce il fallait la faire oublier, forcer un peu le trait, et noyer le tout dans le faste de la cérémonie. Mais chaque détails du décor renvoie à l'observateur averti les doutes de l'organisateur quant à ça réelle légitimité, met l'accent sur ses incertitudes. En voulant trop cacher le forfait on met en exergue ce dernier. Un sourire navré se dessine sur mon visage, la moutarde me monte au nez. J'éructe quelques propos bien senti à l'égard de la communauté internationale puis je reprends le cours de mon existence car, et ce n'est pas la première fois que je fais ce constat, mais je suis fondamentalement un idéaliste : de la politique et des politiciens il ne me faut définitivement plus rien attendre.

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