03/02/2011

Ubiquité mais doublé de duplicité, étrange faculté

Il fut un temps, me semble-t-il, où les gens n'étaient pas plus bêtes qu'aujourd'hui. Pourtant, la bêtise me paraît aujourd'hui plus qu'hier encore avoir gagné du terrain. Si auparavant, un individu pas trop dépourvu de bon sens voyait des nuages s'amonceler dans le ciel, il était capable de prédire la pluie ou le beau temps et prenait la sage décision qui s'imposait à lui. Aujourd'hui, malgré tous les outils dont nous disposons, quand on nous prédit le mauvais temps nous nous précipitons au-dehors en espérant que nos appareils ménagers nous ménageront. Croyant mordicus rouler dans des laves-vaisselles ou dans le meilleur des cas, dans des sèches-linges, des automobiles dernier-cri tout rutilant de la dernière technologie la plus criarde. Et bien évidemment, nous nous retrouvons malgré tout coincé dans des embouteillages prévisibles et prévus, voire même annoncés cent fois à la radio. Une radio qui diffuse en boucle ce genre d'information, parce que nous le savons désormais avec certitude - tout dicton ayant ses limites - que l'homme averti d'aujourd'hui n'en vaudra jamais deux, ni aujourd'hui, ni demain.

Propos capital

Je ne crois pas au hasard mais en la concordance des temps. La vie n'est pas un cent mètres. Genre "s'en mettre plein les poches, plein la poire". Elle s'apparente plus à un marathon qu'à une course qui vous vide de tout vos sentiments. Ne surtout pas confondre vitesse et précipitation. Ne pas oublier cet adage célèbre, mais de moi seul connu puisqu'il est de mon propre cru, selon lequel "La vitesse grise mais l'ivresse qu'elle procure se nomme l'oubli". La question est de savoir ce que l'on veut oublier. Bien faire le tri si l'on ne veut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. La vie s'apparente plus à un marathon qu'à un cent mètres. Elle tient compte du principe d'endurance. La capacité de tout un chacun à gérer, prendre sur soi, garder la tête haute, le tout sans condescendance. Fierté n'est pas mépris des autres et donc de soi, mais bien au contraire. Tout au contraire. N'être faible que le temps de la récupération, reprendre son souffle et vouloir encore, ne pas en vouloir à qui que ce soit, juste vouloir... Encore. Le désir est nécessaire, le désir est moteur.
J'entre dans les couloirs du métro. J'attends quelques instants sur le quai. La rame arrive. Je m'y engouffre puis m'assois. J'ouvre le livre que je tiens dans les mains depuis peu mais que je ne lâche plus depuis des lustres. Page 17, nous sommes en 2001, j'ai 31 ans et je lis :
"Le capitalisme américain a engendré l'un des moments les plus prospère de l'histoire humaine. Il a produit des quantités inouïes de voitures, de légumes surgelés et des shampooings miracles et pourtant Eisenhower était président et le pays entier avait été transformé en une gigantesque publicité télévisée, une incessante exhortation a acheter plus, à fabriquer plus, à dépenser plus, à danser autour de l'arbre à dollar jusqu'à tomber raide mort de pure frénésie à force de tenter de garder la cadence."
Je reste bouche bée devant la dernière phrase. Je la relis et j'y trouve un sens inouï de la poésie, une poésie que je qualifierai d'absolu.
Un instant, je saisi le temps que peut nous faire gagner notre faculté à saisir le sens de la poésie. Cette dernière, en effet, selon moi, se sert du verbe comme moyen de transport et conduit l'amateur amoureux à la source, à l'origine.
Chose importante quand soudain vous débarquez dans un monde qui se trouve être sens dessus dessous.
Dans cette citation, tout est résumé en une espèce de concentré dans lequel tout un chacun peut y trouver ce qu'il y a de plus saisissant dans l'aberration que constitue le capitalisme : l'excès, la vitesse, la mort, le vide, le rien, le néant. Un manque flagrant d'imagination, en somme l'amour démesuré de l'argent. Non pas qu'il faille lui dénigrer toute utilité mais de là à en faire un objet auquel vouer un culte excessif, en somme à déifier, c'est pousser loin la bêtise.
Je reviens sur la première phrase de la citation extraite du livre de Paul Auster, Le diable par la queue. Ouvrage autobiographique, soit dit en passant, dans lequel l'auteur revient sur son rapport à l'argent le long de son parcours, au cours de sa vie d'homme. Et en relisant le début de la formule - comme qui dirait une formule magique - je saisi l'intérêt que je porte à cette phrase : "Il a produit des quantités de voitures, de légumes surgelés et de shampooing miracles..." Poésie de l'absurde. Oui la beauté de cette portion de phrase - comme qui dirait une portion de frite ou d'autoroute - tient au fait qu'elle est dans le fond et dans la forme l'expression de l'absurdité de la situation vécue.

En bref, le fond prend forme.

Dois-je le redire, vous redonner mon point vue sur le capitalisme ? Le capitalisme est absurde.
Mais en quoi réside son absurdité ? Selon moi, dans cette formule, l'absurdité, j'irai jusqu'à dire, la surdité du capitalisme s'exprime dans l'inventaire des objets auquel l'auteur procède et que produisent nos sociétés dites de consommation mais qui sont en réalité celles de l'accumulation (Comme le souligne si justement le philosophe Roger Somé). Les mots : voitures, légumes surgelés et shampooings miracles, mis bout à bout dans une même phrase sont insolites et incongrus. D'où la sensation d'étrangeté et de non sens.

Ces objets évoquent à eux seuls, pris isolément, des univers si différents, ne serait-ce que par leur nature, leur couleur ou encore leur forme que, le fait de les retrouver mentionnés les uns à la suite des autres dans une sorte d'enchainement, qui n'est pas sans rappeler le travail à la chaine en usine, provoque ce que je nomme "poésie de l'absurde".

J'y trouve de la poésie parce que je fais la distinction entre sonorité et réalité.

La part que je sublime : le son des mots, leur sens, leur musicalité, le rythme que l'auteur y insuffle et qui me permet à moi, lecteur fidèle de son œuvre, d'avoir le recul nécessaire pour ne pas me laisser ébaudir, éblouir. Ne surtout pas se laisser prendre au piège des mensonges que cette poésie cache. En somme : "Truste moi, trust me..."

La mondialisation, fille du capitalisme est le fruit d'un non sens. Il nous appartient à nous, enfants de cette fille dégénérée, générée par un non sens de donner sens à l'univers qu'elle a engendré. Et ça, fissa, fissa, avant que tout ne dégénère.

Je ne crois pas au hasard, tout au plus en la concordance des temps. Un phénomène qui - comme vous le savez maintenant - ne se produit qu'une fois tous les trente ans. Le temps d'une génération.
Lequel instant ne dure qu'un instant, court, bref mais intense. Celui de la compréhension. Une brèche s'ouvre et voila que commence l'aventure.

Toute naissance commence ou s'annonce par un cri. Toute naissance se fait dans la douleur. Tout mouvement, déplacement est fruit d'un effort, sans quoi ce serait l'ennui.

"La vie est un jeu de cartes, le destin s'en écarte, multiples sont les routes qu'il dévoile... personnes ne joue avec les mêmes cartes... Tant pis si on est pas né sous la même étoile "
"Paris est un casino, ou un carrefour, je joue les rouges de coeur... Caro " (I AM... SOLAAR, dès que sèchent mes larmes ; ) )

La vie n'est pas un cent mètres, elle s'apparente plus à un marathon. Elle prend en compte la notion d'endurance, la capacité que nous avons tous à pouvoir gérer, prendre sur nous, garder la tête haute, sans condescendance.

N'être faible que le temps de la récupération. Reprendre son souffle et vouloir.  Ne pas en vouloir à qui que ce soit, juste vouloir encore, et encore...

Le désir est nécessaire, le désir est moteur, il est parfois aussi menteur.

"Ah... qu'elles étaient chouettes, chouettes, les filles du bord de mer... Tsouin, tsouin". ( Les filles de bord de mer, Adamo versus Arno)

Autant savoir clairement ce que l'on veut. Surtout si on ne veut pas se retrouver à donner un soufflet au premier insolent qui se permettra de remettre en question nos choix.

C'est pourquoi je ne crois pas au hasard ... - ce sont nos choix qui produisent ce fameux événement qui ne se produit qu'une fois tous les trente ans. Le temps d'une génération - ... mais en la concordance des temps.

La vie en somme !

Il est encore temps, parce que nos vies nous importe tant, ne nous laissons pas exporter comme de la vulgaire marchandise ; )


01/02/2011

À la frontière, j'ai mes limites

Le 17 décembre au matin, mon frangin m'a conduit devant le CEG Godomé. Là avait été fixé un rendez-vous avec S et V. Un peu avant que nous arrivions au lieu du rendez-vous nous nous sommes arrêté sur le bord de la route dans une cafette pour prendre un petit déjeuner. Lequel petit déjeuner était composé de lait concentré dilué dans de l'eau chaude, le tout accompagné d'un peu de poudre de chocolat, un morceau de pain et une omelette préparé à l'africaine (1). Après le déjeuner j'ai retrouvé S et V sur le bord du goudron. De là nous avons pris la route en direction du Togo. Dans la voiture, outre V, S et moi, il y avait le chauffeur Anatole et le père de S. Deux heures plus tard, nous sommes arrivés à destination, à savoir la frontière togolaise. Là, le père de S nous a laissé S,V et moi afin que nous continuons notre périple plus à l'intérieur du Togo. Nous avons traversé la frontière à pied. Les douaniers nous ont fournir des visas d'entrée au prix de 10 000 francs CFA.

Vu les mouvements entre les différentes frontières, tout cela m'a semblé n'être qu'une comédie. Je veux dire que le fait que nous payions un droit de passage, me semblait ridicule, tant tout semblait n'être que l'expression d'un jeu de simulacre et que dans le fond les acteurs ne croyaient pas en la réalité de leur fonction. Nulle ne semblait croire en la validité de toutes ces procédures, si ce n'est pour faire entrer de l'argent dans les caisses. Ce qui soit dit en passant avait tout de même son importance, car l'argent lui conserve sa valeur. Il donne valeur aux actes, et ce même si les acteurs ne croient pas en la valeur de leur geste. L'argent vient comme contredire cette incroyance.

Un sentiment d'irréalité planait sur l'ensemble. Et je me demandais ou allait atterrir les quelques documents que nous venions de remplir pour obtenir nos visas. Et du fait de ma grande médisance, je m'imaginais que tout ces documents finiraient à la poubelle.

Existe-t-il des archives des douanes togolaises et béninoises? Peut-on, par exemple, dans le cadre d'une enquête, se fier à leurs documents pour faire des recoupements, croiser les informations recueillis de part et d'autre ? Ce système a-t-il une quelconque validité, un quelconque sens, de ce côté-ci de l'Atlantique ? Est-ce en ce sens que se pose la question ? Ou pour parler autrement : est-ce la question qu'il faut se poser ? Ne devrais-je pas plutôt me dire qu'il faut au contraire exiger de la part des acteurs de mettre un peu plus de conviction dans leurs actes et croire en ce qu'ils font, car ce sont eux qui leurs onnent du sens et nulle autre qu'eux ?

Je pense profondément que c'est ainsi que les choses devraient être envisagés et non dans l'abandon total de règlementation, sans quoi c'est à un réel chaos institutionnel que nous risquons d'avoir à faire face. Le peu d'état qu'il reste nous devons oeuvrer à le consolider et lui faire bénéficier des dernières améliorations en date. Je ne peux en effet me résigner à ce que les choses soient laisser à l'abandon et que tout aille dans le sens du désordre et du chaos. Tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possible par ici, c'est pourquoi je dois sans cesse continuer à cultiver mon jardin.

Et disant, cela je comprend le sens de la philosophie de Voltaire qui distille cette formule célèbre du "il faut cultiver son jardin" à la fin du Candide. Il me faut travailler à ma propre construction avant même que de ne songer à participer du monde. Mais toute la difficulté se trouve dans le fait que dans un monde globalisé, c'est dans la pratique du monde que l'on construit sa propre personne, son identité, seul moyen de se situer par rapport au reste du monde et donc de pouvoir interagir efficacement avec le réel.

L'identité étant ce qu'il reste une fois que l'on a tout oublié, c'est pourquoi la culture à son importance dans la construction de l'individu, elle en est un élément primordial en tout cas pour celui qui tient à trouver sa place dans ce monde et ne pas vivre continuellement dans la peur. Être maitre de son destin, libre de ses choix.

(1): revenu dans une bonne dose d'huile avec quelques poivrons et tomates coupés finement.

À condition de changer

Le 14 décembre dernier, aux alentours de 16h00, un premier contact a été pris avec S. et V, mari et femme. La veille, tentant désespérément de m'extraire de ma condition de fils à ses parents, j'avais du remettre en question un plan de location que j'avais lancé auprès du père de S. La négociation fut rude car soudain un doute profond m'a assailli. Et je n'ai pu que me résoudre à rentrer sagement dans les rangs. Au-delà de la condition de simple gens qu'est la mienne et que quelque part, au fond de moi j'ai cherché à fuir d'une façon ou d'une autre, comprenant soudain le bénéfice que je pouvais tirer d'une existence à l'abri du besoin et dans le confort. Au-delà donc de cette condition il m'est apparu que des considérations plus importantes devaient prendre le dessus. Certes, la fuite est toujours à l'ordre du jour mais elle doit se préparer et ne pas prendre la forme de ce que l'on entend généralement sous ce terme. À savoir, l'expression d'une peur qui dit que l'on a pas les moyens de répondre à l'agression. La peur a une fonction, une raison d'être, si on veut tirer bénéfice de ses vertus, il faut en comprendre la raison et donc prendre le recul nécessaire par rapport à la perception négative que la grande majorité des individus en a. Soit l'expression d'une lâcheté. Être lâche, n'est pas forcément quelque chose de négatif. Ce qui m'amène à croire que sous chaque vice, se cache une vertu. À moi donc de m'arranger pour changer de condition et ne pas fuir ma condition. Il y a donc une condition pour que ce qui est une faiblesse devienne une force : le changement. La métamorphose. Je suis donc contraint ici d'affirmer que je ne suis en rien un adepte de Jean-Jacques Rousseau puisque je ne pense pas que l'homme soit fondamentalement bon et que ce soit la société qui l'abîme. L'homme, au sens de l'espèce humaine, est selon moi fondamentalement mauvais. Seul condition pour lui de survivre à sa condition. Un conseil donc, si je puis me permettre: toujours considérer que l'homme n'est pas naturellement bon. Mais ne pas se fier à ce jugement premier, le remettre en question, sans cesse car seul les actions de l'homme exprime le fond de sa pensée. Mais ne pas se fier seulement à ses actions. Bref, se méfier de l'homme pour mieux s'y fier. Car par son éducation il peut s'obliger à respecter des règles de bien séance. Le respect de ces règles donne l'illusion de sa bonté. Celui qui veut améliorer sa condition doit partir du principe selon lequel tout est apparence dans un monde d'images.

La chance de l'homme, en tout cas vu sous l'angle qui est le mien, c'est le fait qu'il soit un animal sociable. Du fait de la société, il se doit de respecter un certain nombre de règles. Ainsi donc, il trouve un tempo qui lui semble juste et s'y accorde, voire s'y tient tant que celui-ci lui garanti sa survie. C'est pourquoi en cas de mise en danger de son existence, il est capable du pire, comme du meilleur. A ce moment là plus rien de rationnel n'intervient pour faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. L'homme est un animal politique parce qu'il se sait mortel. Sans quoi, il se coucherait dans un coin et les concepts de société, et autre lui passeraient complètement au-dessus de la tête. C'est le changement, ou pour être plus exact sa capacité ou faculté d'adaptation qui le sauve de ses penchants les plus bas. C'est sans doute là que se niche la définition du concept de civilisation.


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