29/05/2011

Face À. Bouche B.


Rester là juste à regarder la scène se reproduire indéfiniment, comme une vache regarderait passer un train sans trop comprendre le sens de ce mouvement qui soudain vient déchirer le paysage.
Parfois, se surprendre à ne pas adhérer aux théories et autres arguments qui sont balancés pour justifier je ne sais quoi, l’injustifiable sans doute. Chercher à se remettre en question parce que la logique environnante est plus écrasante que la sienne propre. Se demander si on n’est pas en quête d’un absolu, de quelque chose qui n’existe pas et qu’on atteindra jamais, tout en étant profondément persuadé du contraire. Chercher à se fondre dans la masse parce que le combat ne peut se mener seul. La tête lourde, certes mais le cœur léger.
Il nous en aura fallu du temps pour en arriver à cette conclusion. Remonter à la surface des regrets. Il nous en aura fallu du temps. Et c’est tout à fait normal. D’une part, il ne fallait pas que nous tirions de conclusions trop hâtive parce que le risque majeur que nous aurions alors pris aurait été de passer à côté d’une certaine vérité après laquelle nous courrions. Cent fois sur le métier remettre l’ouvrage, nous assure l’adage. C’est ce à quoi nous nous sommes attelés. Vérifier l’information, la passer à travers le filtre des rumeurs, des ragots et de tous ces « à peu près » qui détournent le quêteur de vérité du droit chemin et le mène dans des culs-de-sac. Mais voilà, une fois cette opération accomplie, peu d’éléments finalement sont restés pris dans les rets. Il n’empêche, cela nous a permis d’y voir plus clair et surtout de ne laisser aucun doute venir obscurcir nos certitudes. Un gain de temps considérable, puisque la voie était dégagée. Désormais nous voyons clair dans le jeu adverse. Nous avons su rétablir la distance nécessaire à la compréhension, malgré les ruses déployées pour nous embrouiller. Nombre de fois les règles du jeu avait été modifiés afin que toujours à la fin de la partie quel que soit le résultat l’adversaire sorte vainqueur, pour que malgré tout à la fin de l'envoi, jamais nous ne touchions au but. Abus. Confiance.

Il n’y avait pas d’arbitre, ce dernier se donnant sans cesse au plus offrant. Étant entendu que nous comptions vaincre dans les règles de l’art jamais nous n’avons songé à soudoyer l’arbitre, par ailleurs nous n’avions pas les moyens d’une telle ruse, alors nous avons du développer d’autres capacités. La première étape a été de nous fondre dans les mots du contraire. Pour en comprendre au mieux le sens profond. J’entends par là qu’il y a comme dans tout langage des faux amis, il nous a donc fallu apprendre à les reconnaître, les débusquer, voir dans quel recoin ils pouvaient se camoufler. La langue est un territoire qu’il nous a fallu arpenter nuit et jour des heures durant avec beaucoup d’incertitude. D’autant qu’en face l’adversaire ne faisait aucun cadeau. Le moindre accent, le moindre contre-sens et nous voilà face à la honte du rire ennemi. Il nous a fallu apprendre à rire de nous-mêmes et de nos erreurs. À bien y réfléchir, sur un terrain neutre, je veux dire sans enjeu, nous aurions pu compter sur l’indulgence de nos interlocuteurs. Mais il se trouve que nous n’étions pas dans ce cas de figure. L’adversaire traquant en nous la moindre faille, la moindre faiblesse, l’objectif étant de nous humilier. Et si soudain nous nous retrouvions en position favorable, s’il se trouvait que nous avions su déchiffrer en un éclair le fond de la pensée adverse et que nous étions en mesure de le mettre plus bas que terre, étant donné que cet instant ne durait qu’une fraction de seconde et que nous n’étions pas habitué à vaincre, très vite nous reprenions nos vieilles habitudes de quêteur de vérité. Il nous fallait travailler la durée, l’instant ne suffisant pas. La distance ce n’est pas un degré ou deux de séparation, mais beaucoup plus : six au minimum. De toute façon s'il se trouvait d'aucuns parmi nous pour se laisser à aller à la paresse de croire que l'instant suffisait, très vite nous les retrouvions malmenés par l'ennemi. Beaucoup d'entre nous se sont laisser prendre dans ce piège mais aujourd'hui nous pouvons dire que leurs erreurs ont été des enseignements pour nous. Ils ne sont pas tombés pour rien. Nous qui sommes encore debout pour faire part de notre expérience nous pouvons en témoigner, nous sommes la preuve vivante de ce que leur vie n'a pas été vaine. Certes ils ne peuvent en profiter mais disons qu'ils se sont sacrifiés - peut-être malgré eux - pour que nous nous puissions vivre et poursuivre la lutte. Nous savons désormais à qui nous avons à faire, nous avons pris la mesure des intentions profondes du camp adverse.

Au commencement

Avec le recul nous nous remémorons nos débuts. À cette période là, il y avait dans nos yeux ce que d'aucuns appellent de l'innocence quand ils veulent être gentils et de la naïveté quand ils veulent nous blesser. Il faut dire que nous ne pouvions concevoir que des individus semblables à nous puissent avoir des intentions si nuisibles à notre égard. Il fallait pour cela qu'il y ait une justification, mais de justification, en réalité, il n'y en avait pas. Pourtant nous nous interrogions : Quelle faute avions nous pu commettre pour qu'à ce point là nos ennemis nous en veulent ? Et parfois dans un moment d'égarement nous nous retrouvions face à leur mythe fondateur et là nous trouvions quelques explications. Il se trouve seulement qu'après avoir trouvé en quelque sorte "l'origine du mal", le pourquoi de la situation actuelle, cela ne faisait pas pour autant de nous des agneaux, ou des moutons, des animaux bon pour l'abattoir, pour parler clair.

La vie. Se battre.Vivre c'était donc cela. Comprendre ne justifiait en rien le fait que nous soyons réduits par certains à la seule condition d'esclave. Le pire dans la situation qu'était la notre c'est que pour l'adversaire, dans son délire, son souhait de repérer "les bons, des mauvais" toute une batterie de théories fumeuses avaient été élaborés pour justifier l'horreur. Comme si en revêtant la bêtise des habits de la science la pilule passerait mieux. Bien évidemment nombreux sont ceux qui se sont fait prendre au piège. Car pour décortiquer la complexité du vivant il faut beaucoup de sagesse et prendre en compte le facteur temps. Mais peu sont près à prendre le temps. Or, ce dernier ne respecte pas ce que l'on fait sans lui, comme nous le rappelle Lao Tseu.

Avec le recul je me demande comment tant d'entre nous ont pu se laisser prendre au piège des explications fumeuses qui nous éclaire sur le pourquoi de l'état actuel du monde. Et là tombe la réponse nette et sans bavure : "L'humain par nature est paresseux, aussi se satisfait-il rapidement des justifications vaseuses, qui prétendent apporter des solutions simples et efficaces."

Il est vrai que dans un monde où il est de bon ton d'avoir des moutons à gouverner plutôt que des individus à part entière, c'est à dire capables de savoir ce qui est bon pour eux et se fiant à leur propre jugement, la culture et l'éducation sont secondaires.

Au bout du compte

J'ai longtemps cru que le champ du politique était celui qui devait prendre en charge le bien être commun. Mais l'expérience nous révèle qu'il y a belle lurette que ce n'est plus le cas. Il fut peut-être un temps lointain dans certaines régions du globe ou cela était encore envisageable voire même envisagé puis face à l'ampleur de la tâche, nos dirigeants se sont dit qu'il était préférable d'avoir des abrutis à gouverner plutôt que d'avoir des individus.

Dès que nous avons pu abandonner l'idéal des Lumières nous l'avons fait. Et le premier lieu, le premier événement qui porte la marque de cet abandon est l'Esclavage. Alors, quand aujourd'hui on demande aux grands argentiers qui tiennent les manettes du grand Capital de revenir sur cette période, c'est un sentiment de fatigue qui s'empare d'eux.

Le voilà le fameux fardeau de l'homme blanc. Et un rictus se dessine sur mon visage. Personne ne lui avait demandé quoique ce soit. Pourtant il a cru qu'il avait une mission à accomplir, prit qu'il était dans le piège de ses propres mythes de supériorité. Et une question me brûle alors les lèvres :

"Comment un être qui se prétend supérieur peut-il ressentir une tâche qui lui incombe comme un fardeau, un poids ? Si elle est trop lourde pour lui, qu'il la laisse à d'autres et dise qu'il n'est pas en mesure de porter cette charge. À moins qu'il n'estime que quelqu'un de supérieur à lui soit là à le regarder et à le forcer à soulever plus qu'il ne peut, je ne vois pas pourquoi il s'exprime en ces termes."

Et dans le même temps que je formule ces quelques mots, je me rends compte que dans la formule se trouve la réponse : "C'est justement parce que cet être se prétend supérieur qu'il a besoin d'esclave et donc d'êtres qu'il qualifie d'inférieurs pour les réduire en esclavage et les amener à réaliser ce qu'il ne peut lui-même accomplir tout en en tirant les bénéfices. En somme, le beurre et l'argent du beurre. Bref, un sens de l'économie développé jusqu'à la perversité."

Et j'entends déjà des voies s'élever criant en choeur : "C'est réécrire l'Histoire que de s'exprimer de la sorte". (Je ne vous rapporte ici que la version digeste du propos car en réalité le vocabulaire est beaucoup plus fleuri).

Et je ris d'un rire clair et profond avant de rétorquer :

"Nous y voilà donc... Pendant des siècles vous vous êtes autorisés à donner une définition de l'Histoire et dès lors que ceux que vous considérez comme n'ayant pas d'histoire veulent écrire, et non réécrire -je tiens à préciser - leur histoire, et je souligne leur et non pas l'Histoire, vous vous indignez et criez au scandale comme d'autres crieraient au loup ! Intéressant, très intéressant. Car voilà messieurs, dames, la nature même de ce débat. Vos postures sont claires. Vous prétendez m'offrir une tribune pour m'exprimer et dire ce que je pense et voilà que je constate qu'en réalité tout ceci n'est qu'une parodie de justice, une parodie de débat. Je suis sincèrement navré mais face à vos bouches bées je ne vais pas rester là à regarder les mouches voler. J'ai un monde tout entier à bâtir... Excusez du peu. Je dois donc mettre les bouchées doubles.
Quoi qu'il en soit, en raison de cette prétention qui est la mienne propre, je me dois de vous fausser compagnie. Car s'il vous sied de vous amuser à me prendre pour un imbécile, vous conviendrez au moins que je serais bien un imbécile de vous laisser de la sorte continuer à vous jouer de moi, n'est-il pas?

Bon... je n'attendrais pas votre réponse car si cette dernière formule prend la forme interrogative, elle n'a pas vocation à trouver une réponse auprès de vous. Étant un individu libre et de surcroit votre égal, je suis en mesure d'apporter une réponse à cette pseudo interrogation. À bon entendeur... Je vous laisse imaginer la suite ou... ma fuite ; ).

Copyright Dagara Dakin, May 2011


06/05/2011

LE COÛT DU GESTE


PART ONE

Des feuilles de papiers s'immisçaient systématiquement entre chacune de nos initiatives, les retardant, les reportant parfois aux calandres grecs voire même à jamais...

L'oubli, n'était pas possible, le geste n'ayant pu être exécuté. La violence était latente, générée qu'elle était par la frustration de ne pouvoir effectuer une simple action naturelle.

Marcher, avancer, aller de l'avant.

Notre rapport au monde et au corps prenait alors des allures complexes. L'information ne circulait plus comme elle devait... Il y avait définitivement comme une scission entre le penser et l'agir. La dimension est avant tout affaire de perception. Si nous nous représentons le monde vaste et hostile, il apparaîtra comme tel. Si par contre nous l'envisageons moins hostile, plus accueillant, il est de forte probabilité que faisant le pas vers lui, il fasse le chemin aussi en notre direction. Ainsi nous venons au monde, mais il vient également à notre rencontre. En définitive, nulle n'est immobile, tout est mouvement. La vie en somme, celle qui coule dans les veines même de celles et ceux qui n'en n'ont pas : les "sans veine". Pas de peau, pas de bol, pas de chance.

COMBIEN DE GESTES INUTILES DEVIONS NOUS FAIRE AVANT QUE DE NE FAIRE CELUI QUE NOUS CHERCHIONS A EXÉCUTER ?

Tout était affaire de croyance. Celle qui dominait influait nécessairement sur nos comportements. Nous pouvions par exemple croire que le monde était beau et merveilleux mais si la pensée dominante disait l'inverse, nous pouvions aussitôt après en avoir aperçu la beauté voir la laideur prendre le pas sur le beau. Et progressivement recouvrir notre vision idyllique. Il faut de l'endurance pour réussir à imposer sa propre réalité. Il faut de la volonté et de l'énergie pour réussir à faire persister sur la rétine la vision ou du moins l'idée que l'on se fait du monde.

Nous ne comprenions pas toujours cela. La vie est un combat dit l'adage. Mais nous pensions que le combat s'arrêtait un jour. En réalité il prend juste une autre forme au fur et à mesure que nous évoluons et que nous relevons les défis de l'existence.

Nous nous demandions régulièrement pourquoi cela nécessitait autant de temps pour parvenir à ce que nous voulions. Pourquoi nous avions tant l'impression d'être empêché.

Une réponse, nous était parfois apportée qui disait : "c'est l'apprentissage, c'est le métier qui rentre". En réalité rien de rien n'entrait, tout fuyait. La seule chose qui nous habitait était le doute. Nous doutions d'avoir le droit d'agir. Nous doutions d'avoir le droit d'être.
C'était tout juste si nous ne nous excusions pas d'être né, un jour de printemps, plein soleil, beau temps. Un dimanche, une après-midi, à l'heure du rêve.

De ce fait, sous entendu du fait de tout ce tas de doutes, nos horizons se rétrécissaient progressivement puisque la seule manière concrète d'appréhender l'espace est de le parcourir. Nos interlocuteurs eux parlaient d'occuper.

"Occuper l'espace" qu'ils disaient. Mon dieu ! quelle vacuité. Quel manque d'imagination. La mort qu'ils se refusaient à voir et à appréhender, était la seule chose qu'ils avaient à proposer en échange. Le dialogue n'était plus possible... l'avait-il était un jour d'ailleurs.

À bien y regarder, force est de constater que non.

PART TWO

Parce que naviguer entre les lignes, comprendre que de tous il faut se méfier. Car forcément, une impression bizarre d'être en terre ennemie habite votre être tout entier, l'esprit mis à part peut-être mais là encore le doute subsistait, persistait. De sorte qu'une ligne de démarcation s'était subrepticement dessinée entre chacun d'entre nous.

La difficulté pour les uns et pour les autres à clairement dire de quel bord ils étaient, tenait de cette nécessité que l'individu a d'appartenir à un groupe. Refuser la définition que l'on se faisait du groupe à l'époque ne nous épargnait pas de ce besoin viscérale d'appartenance. Nous voulions juste y apporter quelques nuances. Telle que cette évidence : ceux qui n'appartenaient pas au groupe n'était pas forcément ou nécessairement des ennemis, ils avaient juste d'autres centres d'intérêt que les nôtres. Leur vie n'avait pas pour autant moins d'importance que la notre.

Il faut du temps pour sortir des ornières d'une perception voire d'une conception binaire de ce que c'est que d'être humain.

Nous entrions alors de plain-pied dans un autre siècle, les questions identitaires étaient désormais derrière nous. En face se trouvait donc des hommes qui tentaient de s'adresser à d'autres hommes dans leur plus simple singularité.

Longtemps le monopole de l'idée que certains se faisaient de ce que s'est que d'être humain appartenait à un camp, un clan nommé Occident. Des hommes se sont élevés pour combattre cette conception monolithique voire inique et dénué de toute générosité. La peur naviguait dans chacune des parcelles des cerveaux enfumés d'où avait germé cette idée de l'homme, dont il ne m'intéresse nullement ici d'énumérer les caractéristiques. En faisant cela je risquerais moi-même de laisser croire aux uns et aux autres que cette homme existe. Comment pourrais-je décrire ce que je ne peux concevoir ? L'esprit aime tant la facilité, qu'un stéréotype est vite pris par lui pour une vérité universelle. "Ah... si seulement le repos nous était permis", songe d'aucuns... Et ne pouvant l'obtenir par l'effort, la constance, et le respect d'autrui, ils construisent des schémas tout fait, des cases dans lesquelles les uns et les autres doivent entrer...

Hey ben, messieurs, dames, au boulot, car de ma case je suis définitivement sorti...

Aussi éloigné que j'en fus, je suis revenu à la case départ. Elle a pour nom LIBERTÉ. Et sur les murs, sur mes cahiers d'écolier, j'écris encore son nom, et dans les rues de vos villes aux visages grillagés, fermés, je crie encore son nom : LIBERTÉ

C'est à l'école de la république que je l'ai appris. Mais, ces derniers temps il y a une tendance à remettre en question cette vérité d'évidence : Les hommes naissent libres et égaux en droit.

À regarder la population qui squatte à longueur de temps nos écrans de télévision, une drôle d'impression parcourt mon être bien souvent. Impression que nous sommes à la fin d'une époque mais que les protagonistes qui en ont pompé le miel jusqu'à la lie n'en n'ont pas conscience. De sorte, ils continuent à se prêter encore au jeu du paraître, oubliant d'être, oubliant par la même occasion qu'un jour ou l'autre il leur faudra sortir de cette boite. Ah... dure loi de la nature ! The révolution will (definitively) not be televised, Gill Scott Heron sing it -paix à son âme de grand Monsieur.

La vie reprend toujours le dessus. Et aujourd'hui elle réclame son du.

@copyright Dagara Dakin, 6 May 2011.

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