08/04/2011

Fuir le devenir fou

Inspirer, expirer puis se relever. J'ai essayé de toutes mes forces de tenir longuement, comme s'il s'agissait d'une gageure, un défi à relever. A la manière de ces paris à la con, que l'on se lance bêtement par jeu...Vous savez, du genre : qui restera le plus longtemps la tête sous l'eau sans reprendre son souffle, sa respiration. Inspirer, expirer puis se relever.

Je me relève et là je constate qu'il y a comme un hic : Je ne sais pas ce que l'on gagne à réussir cette épreuve. En quoi consiste-t-elle au juste ? Ah oui... Tenir un poste, pas un avant poste, juste un poste, avoir un boulot, le boire au goulot, jusqu'à la lie. Ah, la lie. Julie, je l'ai bu, elle vient juste après le jus (Merci Marc-Au.). Alors, oui, je l'ai bu comme d'autre boive la tasse, parce que voilà ce que disent les journaux que d'aucuns nous supplient de ne pas croire : Ayez un boulot parce que la situation économique étant ce qu'elle est, le travail sera le garant de votre stabilité. Il faut au moins lui reconnaître cela, le travail permet en effet à tout un chacun qui s'y prend bien - je veux dire qui en réfléchit la raison d'être - d'oeuvrer à la construction de sa personne.

Seulement, arrivé à ce stade là, je veux dire une fois qu'on a atteint la construction de soi, il faut bien prendre une décision non?... Inspirer, expirer puis se relever.

J'ai passé l'épreuve avec brio, je crois, et du jeu, si je ne m'abuse - oiseau de proie - j'ai su tirer mon épingle. Capitaine, me voilà épinglé !

Pour un exilé, c'est tout de même une belle médaille que celle là non ?

Voilà ce que j'ai su soutirer du jeu : on ne change pas le système de l'intérieur. Il a sa propre logique, une mécanique qui ronronne depuis des lustres et elle n'aime rien de moins que le changement. Il ne sert à rien de s'y agripper. Il faut savoir que c'est un fruit dans lequel le ver s'est logé et que le remède n'est pas dans le fruit, le remède ne s'y trouve pas. Ce que l'on peut apprendre du système par contre à son importance à savoir: en comprendre la mécanique pour, non pas aider la machine à mieux s'enrayer, se gripper, mais bien au contraire, tout au contraire, en extraire le meilleur, le nectar le plus ultra : le suc.

De ce que j'en ai appris, je peux et me dois d'en faire quelque chose. Mais tant que ce n'est pas le cas. Tant que j'apprends pour dire d'apprendre et parler de plaisir d'apprendre. Entre c'est apprendre ou c'est à l'essai. Entre la prise de tête et le lâcher prise en somme, je choisi l'option numéro deux. Car un apprentissage sans finalité n'a à mes yeux aucune espèce de valeur, ni raison d'être, si ce n'est celle de me faire attendre, patienter le temps qu'arrive le moment fatidique ou viendra cette certitude qu'est la mort.

Je n'attendrais pas ce moment. C'est pourquoi plutôt que de regarder la mort venir à moi ou pour reprendre le joli titre de la pièce de Dieudonné Niangouna, plutôt que d'attendre que la mort vienne chercher chaussure, je préfère m'en aller, pieds nus s'il le faut.

Aussi, donc, avant que tel le Roi des Aulnes, de la fable ou du poème, le deuil ne débarque sur sa fière monture, je m'en vais. Bien que je sache que l'on ne fuit pas éternellement ou impunément ce moment fatal et qu'on ne fait, en réalité, que le retarder, je préfère prendre ce parti et retarder cet instant à ma façon, à ma manière, mon mode, mon style.

Ce n'est pas la vie... C'est ma vie !

Je suis persuadé que je serais plus utile à la marge qu'au centre. D'autant que je suis désormais convaincu du fait que le centre s'est depuis un certain nombre d'années déjà, légèrement mais imperturbablement déplacé vers la marge. Je n'émargerais plus dans les registres du centre, il est un poil trop commercial à mon goût. Je n'irais plus dans ses écoles, je ne jouerais plus dans ses cours de récréation car dans ces endroits là, de la diversité de la créativité, de l'imagination et de l'inventivité, ceux qui les dirigent n'ont que faire. Le rêve est plus que nécessaire. Sans ça la vie est un arrêt sur image.

J'abandonne donc sur la table, non pas le journal du matin, sachant depuis Stephan Eicher que les nouvelles sont mauvaises d'où qu'elles viennent. Non... j'abandonne sur la table des matières telles que ma valise en carton ou mon porte plume mais je garde la plume. J'emporte également ma matière grise dans mes valises et mes cartons et je laisse Linda à ses dessous ...

Je pars. Je suis déjà parti. Loin. On ne m'y reprendra plus.

Je sais et rien ne sert de me resservir ce cri d'alarme éculé qui est sensé réveiller la conscience de l'inconscient pour lequel je peux passer, aux yeux de certains, par ce geste :

"La liberté à un prix !"

Juste à titre informatif, le prix je l'ai déjà payez. Regardez... là... sur le ticket de caisse. Le juste prix y est indiqué.
Mais, sachez ceci : le temps que vous vérifiez la véracité de mes dires, je serais parti...

"A pu Dagara... parti", comme diraient les bambins.

Je fuis... Je fuis le devenir fou qui vous guète tous autant que vous êtes.


Écouter : "Pars" de Jacques Higelin

Texte écrit juste après la décision prise, pour comprendre ce qui se jouait à ce moment précis. Il est venu d'une traite comme pour servir de socle, de terrain plat sur lequel poser mes pieds et éviter le sentiment de vide sidéral qui à ce moment là aurait pu m'étreindre de ses bras qui trop embrassent et férocement mal étreignent.



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