25/11/2009




FRONTIÈRES CONTRASTÉES
Compte rendu des Rencontres de Bamako 09


L’édition 2009 de la Biennale photographique de Bamako, sera, à n’en pas douter, considérée comme une belle édition.
Les réponses des artistes au thème des Frontières - axe autour duquel s’articulait, cette manifestation - révèle non seulement l’actualité, la complexité mais aussi le caractère contrasté des points de vue sur la question.

De l’exclusion

De ces multiples regards, il faut souligner le discours tout en retenue du réunionnais Yo-Yo Gonthier. Son travail, qualifié par l’écrivain Manthia Diawara de « discret et intelligent », révèle, tout en discrétion, comment, à l'île Maurice, certaines plages sont progressivement devenues des propriétés privées. Ces images disent la violence sourde des frontières qui s’instaurent sur ces espaces de liberté entre riches et pauvres.

La frontière c’est aussi celle qui exclue du fait des différences. Différences qui s’expriment par la couleur de la peau comme dans la série de portraits d’albinos du jeune prodige, issu du Cadre de promotion pour la Formation en Photographie, Seydou Camara. Le respect que ce dernier porte à ses sujets transparaît dans la justesse de son regard.

Du genre

La question de l’homosexualité et le rejet qu’il induit dans les sociétés africaines, est abordée dans la vidéo du nigérian Andrew Esiebo. Quant aux photographies de la sud-africaine Zanele Muholi extraites de la série Miss D’vine, elles abordent la question de genre qu'est la transsexualité. Si l’on savait que ces thématiques étaient objet de débat dans la société sud-africaine, le tabou dont elles sont revêtues dans les autres pays africains semblent interroger les artistes qui y vivent. Zanele Muholi a clairement affichée son souhait de voir évoluer les mentalités sur ces sujets lors du discours qu’elle a prononcé en recevant le prix Casa Africa. Ce prix distingue une photographe résidant en Afrique et permet la publication d’une monographie, de même que l’édition d’une collection spécialisée. A cela s'ajoute une exposition monographique à las Palmas (Canaries) et des itinérences.

Espoirs déçus

La série intitulée « Espoir déchu des Darfouris au Caire » de l’Égyptienne Myriam Abdelaziz, nous rappelle que l’Europe n’est pas le seul Eldorado qui fait le désespoir de nombre de migrants. Ce reportage photo met la lumière sur l’exclusion que subissent les Darfouris au Caire, lieu où ils espéraient trouver de meilleures conditions de vie.

De la même manière, la sud-africaine Jodi Bieber - lauréate du prix de l’Union européenne, distinguant le meilleur photographe de presse ou de reportage - nous remet en mémoire la politique de reconduite à la frontière des clandestins que pratique l’Afrique du Sud. Elle nous rappelle que la gestion de la question des migrations illégales est similaire en Afrique et en Europe. On a tendance en effet à l’oublier, mais de plus en plus d’accords sont passés entre les pays du sud et ceux du nord sur ce sujet. Mais au-delà, les politiques africaines ont tendance à calquer leur manière de faire sur le modèle occidental.

Entre réel et frictions

Comme en réponse à ces reconduites à la frontière, le sud-africain Graeme Williams rétorque que : « la seule mesure pour un changement durable en Afrique du Sud ne peut être qu’une réelle amélioration effective de la vie des pauvres. » Sa réponse se traduit en photographie par des images très colorées représentant des personnages réels côtoyant des figures dessinées habituellement présentes dans l’espace public sous des formes diverses, telles qu’images publicitaires, mannequins, etc. Il ne s’agit pas de mise en scène, mais d’instants captés par l'oeil exercé du photographe. Il joue ainsi des contrastes entre condition sociale de ses sujets et images de l’espace public. Par ses constructions visuelles Graeme Williams cherche à souligner la frontière existant entre vie rêvée et vie vécue de ses protagonistes. Sous son angle de vue , la pauvreté apparaît comme la non réalisation des rêves. Si l'on suit son raisonnement, l'amélioration de la condition des pauvres en Afrique du Sud - et sans doute partout ailleurs - passe nécessairement par la mise en place de politiques qui permettent à tout un chacun de se réaliser.

Mohammed Bourrouissa - l’une des révélations de la scène photographique actuelle - joue également, dans ses mises en scène, des notions que sont le réel et la fiction. A la manière d'un Jeff Wall, son langage emprunte aux images que l’on retrouve dans nombre de quotidiens ou magazines et qui ont pour sujet les « Périphéries » (titre de la série) communément appelé les banlieues françaises, même si le terme "quartiers populaires" semble vouloir lui succéder. L’artiste revisite ainsi ces « clichés », les interroge et oblige le regardeur à une attention plus accrue quant à la supposée vérité des images.

Vue globale

Dans la section internationale, la multiplicité des points de vue ainsi que la variété des sujets, illustrait parfaitement la complexité de la question des frontières. En parcourant de manière non exhaustive l’exposition internationale, il était agréable de voir la richesse de la production photographique sur le continent et au-delà. Le visiteur sort de là en ayant éprouvé la complexité des interrogations que pose la notion de frontière à notre époque dite de globalisation.

Dagara Dakin

Pour un éclairage beaucoup plus large et critique suivre ce lien : http://www.perrinatou.ouvaton.org/spip.php?article124

1 commentaire:

  1. Bonne vue d'ensemble de l'exposition internationale, mais qu'en est-il des autres expositions!

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